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12
Nov
Extrait du journal de bord – Time for Oceans

Alors que Francis Joyon a remporté cette nuit la Route du Rhum dans la catégorie des Ultimes au terme d’un finish ahurissant, la course continue en IMOCA. Ce lundi matin, les leaders ont moins de 1500 milles à parcourir pour rallier Pointe-à-Pitre. Environ 650 milles derrière, on trouve le groupe dans lequel évolue Stéphane Le Diraison, en compagnie d’Alan Roura et de Damien Seguin qui se tiennent dans un mouchoir de poche. Après la difficile négociation d’un anticyclone, le skipper de Time For Oceans entrevoit enfin les alizés. Il a envoyé un extrait de son carnet de bord dans lequel il lève le voile sur les avaries et petits bobos qu’il a subi depuis le départ.

Stéphane Le Diraison est bien placé pour savoir que les alizés se méritent ! Si les leaders de la Route du Rhum (Alex Thomson, Paul Meilhat, Vincent Riou et Yann Eliès) ont pu négocier le passage d’une dorsale anticyclonique (zone de vent faible) sans trop de souci, la porte s’est refermée derrière eux, claquant au nez de leurs poursuivants. Résultat, l’élastique s’est tendu, selon l’expression consacrée, et les premiers se sont échappés inexorablement. De son côté, Boris Herrmann a tenté un coup stratégique à l’Ouest qui lui permet aujourd’hui d’occuper la 5e place. A noter que les cinq premiers de la Route du Rhum, tous très talentueux, naviguent sur des bateaux extrêmement performants mis à l’eau entre 2011 et 2015.

A un peu plus de 2000 milles de l’arrivée à Pointe-à-Pitre, Stéphane Le Diraison et ses proches concurrents, Alan Roura et Damien Seguin, bataillent donc pour la 6e place et se battent quasiment à armes égales, puisque leurs IMOCA sont tous des plans Finot-Conq mis à l’eau en 2007 ou 2008. On notera toutefois qu’Alan Roura a ajouté des foils sur sa monture.

Ce matin à 9h, Stéphane était pointé juste derrière Alan Roura et Damien Seguin. Mais son décalage dans le Sud pourrait s’avérer intéressant. En effet, plus on gagne dans le Sud, plus en théorie les alizés prennent du coffre. Un temps pénalisé par des petits « bobos » techniques qui l’ont obligé à ralentir pour réparer (lire le journal de bord ci-dessous), Stéphane peut à nouveau exploiter tout le potentiel de Time For Oceans.

Journal de bord Time for Oceans – Extrait du 11/11/2018

Stéphane Le Diraison :

« Déjà une semaine que le coup de canon du départ a été donné de Saint-Malo. Je n’ai pas vu défiler les jours tant la course a mobilisé mon énergie et imposé une concentration de tous les instants…

… Les premiers jours de répit après le vent fort ont été intenses – paradoxe. Tout d’abord j’ai procédé à une inspection minutieuse du bateau : structure, voiles, énergie, électronique,… etc, tout est passé au crible. Mon fidèle Sinbad a été vaillant mais tel un guerrier après le combat il a fallu passer à l’infirmerie. Tout comme moi d’ailleurs ! On reste heureusement dans la catégorie des « bobos » mais durant le coup de vent, je me suis fait mal après avoir été projeté contre une cloison dans la cabine….

….Pendant 48h je me suis creusé la tête pour réparer des défaillances qui auraient été des petits détails à régler au port mais qui deviennent un sujet en mer surtout quand il s’agit de ne pas ralentir la progression du bateau….

Par exemple, au niveau du niveau du brion (en bas de l’étrave, extrémité de la coque sous la flottaison à l’avant) un axe qui tient un câble du gréement débouche sur la coque. Pour éviter que l’eau ne rentre dans le bateau il y a une petite tôle de fermeture… qui s’est arrachée. Conséquence : je faisais de l’eau dans le compartiment avant (que l’on appelle la crash box). Évidemment cette partie du navire est inaccessible à moins d’avoir un bras de 1m50 de long. Pour y accéder je me suis donc bricolé un outil grâce à la gaffe (perche dont l’extrémité est munie d’un crochet). Ensuite, il fallait ralentir le bateau (et permettre à Alan de me revenir dessus… grrr) pomper l’eau du compartiment et réussir, à plat ventre sur le pont, à colmater le trou avec un mastic tout en sachant qu’avec une période de 3-4 secondes l’étrave plongeait inlassablement dans l’eau. Les premières tentatives étaient assez déprimantes car chaque vague arrachait méticuleusement ce que je venais de faire. Depuis 24 heures, je peux de nouveau utiliser le plein potentiel de mon bateau.

…La nuit dernière j’ai tenté de dormir au maximum car les conditions le permettaient enfin. Le rythme de la course est très soutenu, particulièrement dans le vent faible car il faut régler en permanence, au risque de perdre toute sa vitesse. Afin de ne pas laisser les petits copains me fausser compagnie j’utilise des alarmes qui sonnent le rappel sur le pont à chaque changement notable du vent (force ou direction). Autant vous dire que l’alarme ne m’a pas laissé de répit. Je rêve désormais, comme dans un dessin animé, de prendre un gros marteau, de fracasser le réveil d’un coup rageur et de retourner me coucher… A l’arrivée peut-être… c’est une idée !

…En attendant la course continue de plus belle, je vais enfin toucher le vent des Alizés qui me portera jusqu’en Guadeloupe. Je commence à sentir les premières vapeurs du verre de rhum qui m’attend à l’arrivée !

Publié par La rédaction - TFO dans En course le 12 novembre 2018